Peinture abstraite et figurative : pourquoi j'ai opté pour ce mélange
- Angélique Ferretti
- il y a 6 jours
- 7 min de lecture

Je suis artiste peintre, et ma démarche artistique repose sur le mélange de deux univers souvent perçus comme opposés : l’art abstrait et l’art figuratif. J’aime combiner la fluidité du pouring avec la précision et le savoir-faire de la peinture acrylique figurative. Ce mélange me permet d’explorer une expression libre tout en gardant un ancrage dans le réel.
Quand j’ai commencé à peindre, j’ai exploré ces deux démarches séparément. J’ai testé des œuvres abstraites, puis d’autres exclusivement figuratives. Mais à chaque fois, il me manquait quelque chose. La peinture abstraite seule me semblait parfois trop floue, sans ancrage. Le figuratif seul, trop cadré, me laissait sur ma faim au niveau de l’émotion brute. Je ne ressentais pas pleinement l’œuvre une fois terminée, comme s’il manquait une pièce au puzzle.

Traditionnellement, l’abstrait et le figuratif sont souvent mis en opposition. Beaucoup de gens préfèrent l’un ou l’autre, rarement les deux. Certains reprochent au tableau abstrait d’être trop vague, voire de masquer un manque de technique. À l’inverse, ceux qui ne sont pas sensibles aux œuvres figuratives les trouvent parfois trop classiques ou dénuées d’émotion. Ces deux mondes artistiques semblent donc difficilement conciliables… et pourtant, ils ont chacun leur richesse. Je comprends bien les sentiments que certaines personnes peuvent avoir vis-à-vis de ces deux styles. J’ai moi-même, à un moment donné, été confrontée à ces jugements intérieurs, me demandant pourquoi je ne parvenais pas à ressentir la même satisfaction avec l’un ou l’autre de ces styles.
Dans cet article, je veux montrer qu’abstraction et figuration peuvent non seulement coexister, mais aussi se compléter pour en faire de l’art moderne. Je souhaite partager les raisons profondes qui me poussent à les associer dans ma peinture, et en profiter pour déconstruire quelques idées reçues sur ces deux formes d’expression.
1. Peinture abstraite : au-delà des clichés
1.1 Les idées reçues sur l’abstrait

L’art abstrait divise souvent. Beaucoup pensent que c’est un art facile, voire paresseux. On entend souvent des phrases comme : "N’importe qui pourrait ces peintures abstraites", "Ça ne veut rien dire", ou encore "C’est juste des taches de peinture". Certains vont jusqu’à dire que les artistes abstraits ne savent tout simplement pas dessiner.
Ce sont des clichés tenaces et elles ont alimenter mon incertitude face à cette pratique. Ma première toile abstraite me semblait flou, presque incomplète, comme si l’œuvre n’était pas "finie". Mais petit à petit, je me suis rendu compte que l’abstraction n’était pas un “défaut de technique”, du “hasard” ou un “manque de structure” mais plutôt une manière différente de s’exprimer.
L’abstraction n’est pas l’absence de sens ou de maîtrise : c’est une autre manière de s’exprimer. Elle demande de lâcher le besoin de représenter fidèlement le réel pour se concentrer sur l’émotion, la composition, les matières, les couleurs, le rythme. Et ce n’est pas si simple de faire ressentir quelque chose sans s’appuyer sur une figure reconnaissable. C’est une autre exigence, une autre forme de langage qui se traduit sur les châssis que j’utilise.
1.2 Ce qui m’anime dans l’abstrait

Ce qui m’attire profondément dans l’abstraction, c’est la liberté. Quand je travaille sur une partie abstraite, je ne cherche pas à "représenter", mais à ressentir et faire ressentir. Je me laisse guider par l’intuition, par l’énergie du moment, par les couleurs qui m’appellent et les mouvements qui émergent avec ou sans pinceau.
Le pouring, notamment, est une technique que j’adore pour cette raison. Elle implique une part de hasard, mais aussi beaucoup de sensibilité dans les choix que je fais : les teintes que je mélange sur la toile, la manière dont je les verse, le moment où j’arrête. Il y a une forme de lâcher-prise presque méditatif dans cette pratique. L’abstrait, pour moi, c’est un espace où je peux me reconnecter à quelque chose de plus instinctif, plus sensoriel.
1.3 L’abstrait comme terrain de sensations

L’abstraction permet de créer des ambiances, de faire voyager sans donner de destination précise. Ce qui m’importe, ce n’est pas que le spectateur voie "la même chose" que moi, mais qu’il ressente quelque chose. Une émotion, une vibration, un mouvement intérieur à travers un oeuvre murale.
C’est un terrain de liberté, aussi bien pour moi que pour celui qui regarde. L’abstrait ouvre des portes vers l’imaginaire, l’inconscient, le rêve. Il n’impose pas, il propose.
2. Peinture figurative : entre précision et narration
2.1 Les clichés sur la peinture figurative

Si l’abstrait est parfois jugé trop flou, le figuratif, lui, peut être perçu comme trop "sage". Je me suis souvent demandé si ce style pouvait vraiment transmettre une émotion forte, comme le font parfois les formes abstraites. À force d’entendre des phrases comme "C’est joli, mais ça ne me touche pas", ou "C’est technique, mais sans âme", j’ai même failli me démotiver à peindre. Une fois de plus, je ressentais un manque en réalisant uniquement des œuvres figuratives en essayant de les ancrées totalement dans le réel.
Ces idées reçues réduisent à tort la pratique du figuratif à une simple prouesse technique, alors qu’il peut être tout aussi chargé d’émotion et de sens que n’importe quelle autre forme d’art. Tout dépend de l’intention de l’artiste, de son style, de la manière dont il choisit d’interpréter le réel.
Petit à petit, j’ai compris que ce n’était pas le style en lui-même qui posait problème, mais la manière dont je l’abordais. Le figuratif n’a pas besoin d’être figé ou classique. Il peut vibrer, émouvoir, surprendre. C’est un langage visuel comme un autre, et c’est à moi, en tant qu’artiste, de lui insuffler ma sensibilité, mon énergie, ma voix. Cette prise de recul m’a permis de me réconcilier avec la figuration, en me libérant de l’idée qu’elle devait forcément être conforme, académique ou distante. Et cela peu importe le médium utilisé.
2.2 Ce que j’aime dans la figuration que j’ajoute à mes tableaux

Ce qui me plaît dans le figuratif, c’est la possibilité de raconter quelque chose. Un personnage, une posture, un regard... Il suffit parfois d’un petit détail pour faire passer une émotion, évoquer une histoire. J’aime explorer cette finesse, cette tension entre le visible et l’invisible.
Le travail figuratif me permet aussi de jouer avec la lumière, les contrastes, les expressions. C’est un espace où je peux creuser la présence humaine, ou évoquer des fragments de réalité, tout en gardant ma liberté d’interprétation. C’est un art qui demande de la patience, de l’attention, de la précision — et ça me plaît autant que les gestes libres de l’abstraction.
2.3 Le figuratif comme ancrage
Dans mes œuvres, les éléments figuratifs viennent souvent comme des points d’ancrage. Ils apportent une structure, un repère pour l’œil, une accroche pour l’imaginaire. Ils permettent au spectateur de se situer un instant, avant de repartir dans les formes plus libres.
Le figuratif ne vient pas s’opposer à l’abstrait, mais il vient le compléter. Il donne du relief, du poids, parfois une direction à l’émotion. C’est ce jeu entre le concret et le flou qui me fascine. Le figuratif donne une base, l’abstrait l’enveloppe, l’élargit.
3.1 Une richesse expressive

Mélanger l’abstrait et le figuratif me permet d’aller plus loin dans ce que je veux exprimer. L’un me donne la liberté, l’autre la structure. L’abstrait transmet des émotions immédiates, presque viscérales ; le figuratif raconte, donne un cadre, une scène, une histoire.
Ensemble, ils créent une tension vivante, une harmonie contrastée qui enrichit mon langage artistique.
Plutôt que de choisir entre les deux, je préfère les faire dialoguer. Le fond abstrait apporte la poésie, l’intuition ; la partie figurative ancre cette énergie dans quelque chose de tangible. C’est comme une conversation entre l’intérieur et l’extérieur, entre le rêve et la réalité.
3.2 Une identité artistique personnelle
Ce mélange est devenu, au fil du temps, ma manière d’exister en tant qu’artiste. Il reflète qui je suis : à la fois instinctive et réfléchie, attachée à l’émotion mais aussi au geste maîtrisé.
Je ne veux pas me limiter à un style ou à une école. Mon identité artistique se construit justement dans cette dualité assumée. Chaque tableau peint est un équilibre fragile entre spontanéité et intention.
Ce va-et-vient entre les deux univers est devenu ma signature, un espace où je peux pleinement m’exprimer sans avoir à trancher entre deux pôles.
3.3 Une invitation à voir autrement

En fusionnant la peinture abstraite et le figurative, j’invite le spectateur à changer de regard sur mes acrylique sur toile. À ne pas chercher à "comprendre" tout de suite, mais à ressentir, puis à interpréter. L’abstrait capte l’émotion, le figuratif ouvre une piste de lecture. Chacun est libre d’y voir ce qu’il veut, de se projeter, de rêver.
C’est aussi une manière de casser les codes, de dépasser les frontières entre les styles et de créer un art en plusieurs parties. L’art n’a pas besoin de rentrer dans des cases. Il peut être multiple, libre, hybride. Et c’est cette liberté que je cherche à transmettre dans mon travail.
Conclusion

Mélanger l’art abstrait et l’art figuratif, c’est bien plus qu’un choix esthétique : c’est une démarche intime, un équilibre entre deux langages qui se répondent. Chacun apporte quelque chose de différent, et c’est justement dans leur complémentarité que je trouve ma liberté d’expression.
À travers ce dialogue entre formes libres et éléments reconnaissables, je cherche à créer des œuvres qui touchent, qui parlent à l’œil autant qu’à l’âme. Ce mélange est devenu ma signature, ma manière d’explorer le monde, de transmettre des émotions sans jamais m’enfermer dans un style figé.
Je crois profondément que l’art n’a pas besoin de choisir son camp. Il peut être à la fois suggestion et précision, émotion brute et narration subtile. Et si ce mélange peut ouvrir d’autres regards, casser quelques idées reçues et inviter à ressentir autrement, alors ma démarche a tout son sens à travers chaque tableau peint à la main.
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