La technique de la peinture pouring : une approche différente de l'art abstrait
- Angélique Ferretti
- 1 juin
- 5 min de lecture

Dans ma démarche artistique, j’explore les frontières entre l’abstrait et le figuratif, avec une prédilection pour les textures, les taches et la spontanéité du geste. L’acrylique est mon médium de cœur, et parmi les techniques que j’utilise, le pouring occupe une place particulière.
Souvent associé à une peinture fluide et presque aléatoire, le pouring est bien plus qu’un simple effet visuel : c’est une manière de peindre qui laisse place à l’accident, à l’intuition, au mouvement libre. C’est aussi une technique qui dialogue parfaitement avec ma sensibilité artistique.
À travers cet article, je vous propose de découvrir ce qu’est le pouring, pourquoi je l’ai adopté, et comment il s’intègre dans mes créations. Peut-être y verrez-vous différemment certaines peintures ou certaines textures que vous avez déjà croisées sur certaines de mes toiles.
I. Qu’est-ce que la peinture pouring ?

Le pouring, ou « peinture Fluide », est une technique picturale qui consiste à faire couler de la peinture acrylique fluide sur un support, pour créer des effets organiques, des mouvements imprévus, des cellules et des marbrures. Contrairement aux approches plus classiques où l’on applique la peinture avec un pinceau ou un couteau, ici c’est la gravité, le mouvement et le hasard qui jouent les premiers rôles sur la toile.
Concrètement, on prépare un mélange de pigments acrylique avec un médium de lissage — souvent appelé « pouring medium » — qui lui donne la fluidité nécessaire. Elle est diluée avec un peu d’eau ou de silicone selon l’effet recherché. Ensuite, on verse la peinture sur la toile, en la balançant, la tournant, ou en superposant différentes couleurs. Le résultat est vivant, changeant, et impossible à reproduire à l’identique.
Ce qui rend cette techniques de peinture fascinante, c’est qu’elle échappe au contrôle total. Il y a une part d’anticipation, bien sûr, mais aussi un abandon, un lâcher-prise. Le geste ne cherche pas à figer une forme précise, mais à composer avec le comportement de la matière.
Pour moi, le pouring est une manière d’explorer l’imprévu. Il s’accorde avec mon envie, les nuances que j’utilise pour laisser émerger quelque chose d’intuitif, presque instinctif, dans chaque création.
II. Une approche différente de l’art abstrait

Dans l’univers de l’art abstrait, chaque artiste-peintre développe son propre langage : certains travaillent avec des pinceaux, d’autres au couteau, au collage, à l’encre de chine… Ce qui distingue le pouring, c’est qu’il ne repose pas sur un geste dirigé, mais sur une interaction entre la matière et le mouvement. La peinture se déplace, se mélange, fusionne — et c’est cette dynamique naturelle qui crée la composition.
Là où certaines techniques abstraites permettent une construction lente et contrôlée, le pouring introduit une part d’aléatoire. C’est précisément ce mélange de maîtrise et de surprise qui m’intéresse. Il y a un moment où l’on guide cette consistance liquide, puis un moment où l’on regarde ce qui se passe — un peu comme une chorégraphie improvisée entre la main et la peinture.
Cette approche renforce aussi la dimension organique de mes œuvres : les formes qui en résultent rappellent parfois des mouvements d’eau, des corps en transformation. Elles ne sont jamais figées, toujours en tension, en vibration. Et c’est ce que je cherche : des images qui vivent, qui échappent à l’immobilité.
Le pouring me permet ainsi d’enrichir ma recherche visuelle. Il ne remplace pas d’autres gestes (je continue à intervenir parfois après le séchage), mais il ouvre la voie à une expressivité plus libre, plus brute, moins mentalisée.
III. Intégration du pouring dans mes créations
Dans mon travail, le pouring est un point de départ, une première couche intuitive et vivante. Mais je ne m’arrête jamais là. Ce qui m’intéresse, c’est la tension entre cette abstraction fluide et quelque chose de plus concret, de plus incarné. J’ai besoin d’un ancrage, d’un élément figuratif, réel, reconnaissable, pour équilibrer l’ensemble de toutes les couleurs.
Je commence souvent par une ou plusieurs coulées, en laissant la peinture suivre son propre rythme. Les formes qui apparaissent me guident, presque comme si la toile me montrait où aller. Ensuite, après séchage, j’observe : une silhouette, un fragment, une suggestion peut émerger de cette matière brute. C’est là que j’interviens. J’ajoute, je trace, je structure. Une forme humaine, un animal, parfois un élément naturel se dessine — jamais dans une représentation académique, mais comme un écho du réel, glissé dans l’abstraction.
Ce jeu entre le flou et le précis, l’organique et le dessiné, crée un dialogue. Le figuratif donne au spectateur un point d’accroche, une porte d’entrée dans l’émotion de la toile. Il renforce aussi l’impact du pouring, qui n’est alors plus seulement un effet, mais un paysage intérieur, un contexte sensible.
Chaque œuvre devient ainsi une rencontre entre un geste libre et une intention. Et c’est dans cet équilibre, entre intuition et conscience, que je trouve ma voie.
IV. Pour un regard plus sensible
Ce que je cherche à travers cette technique mixte, ce n’est pas seulement peindre une toile avec de beaux effets ou à surprendre l’œil. Ce qui m’importe, c’est de provoquer une émotion, de faire naître une sensation chez celui ou celle qui regarde. Le pouring, avec sa part d’imprévu, invite à la contemplation, à l’introspection. Il y a quelque chose de vivant, de mouvant, qui échappe au contrôle — comme nos pensées, nos émotions, nos souvenirs.
Mais je ne m’arrête pas là. J’ai besoin qu’il y ait un lien avec quelque chose de réel, même symbolique. Cela permet au spectateur de s’accrocher à une forme, un geste, un indice familier. Ce mélange entre abstrait et figuration ouvre un espace où chacun peut projeter son propre imaginaire, sans que je n’impose une lecture unique.
Mon intention n’est pas d’expliquer, mais de faire ressentir. D’inviter à ralentir. D’offrir un moment de résonance — où l’on ne regarde pas seulement une peinture, mais où l’on se regarde un peu soi-même à travers elle.
Quand une personne me dit qu’elle a vu « quelque chose » dans une œuvre — un mouvement, un souvenir, une sensation — alors je sais que la connexion a eu lieu. Et pour moi, c’est là que l’art prend tout son sens.
Conclusion
Le pouring est devenu pour moi bien plus qu’une technique : c’est un terrain d’exploration, une manière de dialoguer avec la matière et l’imprévu. Il me permet de créer des espaces visuels chargés d’émotion, que je viens ensuite relier au réel par une touche figurative, presque comme un ancrage. Ce va-et-vient entre intuition et construction, entre abstraction et repère, est au cœur de ma démarche.
J’espère que cet article vous aura permis de mieux comprendre cette approche et ce qu’elle apporte à mes créations acryliques. Si certaines œuvres murale vous intriguent ou vous touchent, n’hésitez pas à les découvrir dans la galerie ou à me contacter : je serai ravie d’échanger avec vous.
Merci pour votre lecture.
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